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le blog de gab
12 mars 2005

Eyadéma (suite)

Extraits d'une correspondance Internet avec Stephan, un ami togolais, à propos de la situation au Togo.
8 février [Décès du président Eyadéma le 5 février. Son fils Faure Gnassimbé prend le pouvoir par ce qu'il faudrait appeler un coup d'état "légal", au prix d'une révision en catastrophe de la Constitution, alors que le détenteur légitime de la souveraineté constitutionnelle , le président de l'Assemblée Nationale, est empéché de rejoindre la capitale Lomé.]
Stephan :
[...] Une situation toutefois plus inquiétante au Togo. Avec le décès de notre président et le "coup d'état" militaire que s'est permis dans la foulée son fils... Une continuité bien triste ... une chute du tourisme ... une rupture certaine des éventualités de coopération ... une conjoncture qui laisse à désirer ... bref la paix en dernier rempart.
25 février  [Pressions africaines et internationales sur le régime de Lomé. A l'intéreur, répression des manifestations. UA : union africaine ; CEDEAO : communauté économique des états de l'Afrique de l'Ouest ; Kara est une ville du Nord du Togo.]
Stephan:
géopolitique
[...] J'étais justement a Lomé avant-hier, c'est à la fois tendu et ouvert. Je me promenais librement, mais sous l'oeil très attentif des soldats. Des soldats très nombreux a Lomé. Quasiment a chaque coin de rue. Le problème dans notre situation actuelle c'est l'armée. Si l'armée était moins forte, dès aujourd'hui je le pense Faure [fils d'Eyadéma] se retirerait. Et même s'il ne se retirait pas, ce qui ne fait l'ombre d'aucun doute c'est que tout Togolais en ce moment a envie de manifester, dire son refus à une dynastie au Togo. Ça c'est clair, supprimons les militaires sur les routes, de Kara à Lomé nous marcherons illico pour renverser le pouvoir actuel. Le pouvoir actuel du Fils, les mêmes problèmes passés que sous le père, où donner de l'oeil ? Eh bien peut-être aux institutions étrangers, CEDEAO , UA qui font leur boulot pour une fois. Dès ce soir, Le Togo n'est ni membre de l'UA ni de la CEDEAO et donc le président autoproclamé ne peut voler avec son avion qu'entre Lomé et Niamtougou (Kara) en Afrique. C'est tout! Quel est ce président ? Peut-il être fier de sa situation ? Non, ce dont les togolais ne sont pas fiers non plus c'est d'avoir entendu Chirac pleurer : Eyadema un ami de la France. C'est clair on le savait, car Eyadema appuyait Chirac a coups de billets de banques (affaire secrète en France encore) mais le pleurer tout le monde ne l'a pas vu du bon oeil. Bref pas un sentiment anti-français mais anti-Chirac...
La suite de la situation chaque  jour sur
http://www.rfi.fr/Fichiers/ecouter/audiocarte.asp
notamment Afrique midi, le journal le plus écouté sur toute l'Afrique tellement il est précis. Les informations sont plus claires  même que celles reçues de l'intérieur... le progrès c'est aussi ça. C'est aussi la malice, rfi coupé en ondes fm à Kara on l'écoute sur le net.
Et la routine désormais, chaque Samedi "Togo mort", manifestations (réprimées a balles réelles par les forces de l'ordre parfois) mais possibles à Lomé près de la mer , à Bè dans un fief de l'opposition .
Stephan, le 1er mars :
[...] Au fait étrange coïncidence que mon dernier mail. Au moment ou je le saisissais ,ou je te faisais le point sur la situation au Togo, Faure Gnassingbé faisait son point à la TV et démissionnait, laissant poindre une possibilité de sortie de crise. La non-nomination de Natchamba (président de l'assemblée nationale le jour du décès d'Eyadema et absent du Togo étant en mission a Paris) désole certains dont moi, mais ce point semble être oublié par l'extérieur, la communauté internationale, et Abbas Bonfoh est désormais considéré comme le président du Togo. Ce monsieur je le connais d'ailleurs très bien, ayant été a l'école avec son fils et ayant maintes fois discuté avec lui en tant que mon inspecteur....
Cela dit, en réalité on s'en fout de qui sera le président. L'essentiel c'est que la communauté internationale trouve nos élections démocratiques même si elles sont truquées , comme ça pourra reprendre la coopération et les étrangers reviendront. C'est tout ce qu'on peut souhaiter présentement.
Ce à quoi je réponds, le 3 mars :
Pour la situation au Togo, je lis des articles dans les journaux, j'y vois un peu plus clair. Je pense que l'enjeu de vraies élections démocratiques est crucial, il conditionne une vraie coopération des pays étrangers. Je suis écoeuré de la connivence de Chirac avec Eyadéma le père - je dis Chirac, je ne dis pas la France, bien que je me sente assez mal de l'attitude de la France en Afrique francophone, elle est en train de perdre une zone d'influence importante car elle ne voit que son intérêt à courte vue. La concurrence avec les Etats unis est rude, peut-être finalement les américains seront-ils plus intelligents. Bref il ne faut pas souhaiter la coopération avec n'importe quels étrangers, surtout si ils sont prêts à fermer les yeux sur des élections truquées. Pardonne moi si je dis des bêtises, je sais que ces problèmes sont très complexes, mais ça m'intéresse beaucoup d'en parler avec toi.
A bientôt.
Réponse de Stéphan, le 3 mars :
Transition = solution de  continuité ?
www.lintelligent.com détaille très  bien la situation togolaise.
[...] Sinon c'est vrai que des élections dites démocratiques résoudraient tout ici. A vrai dire on sait qu'il n'y en aura pas, comment peut-il y en avoir, où tout dans un pays est plus ou moins attribué au "Père de la Nation" ? Imagine une seconde que Chirac dit l'Élysée c'est pour ma propriété privée... ici, le château présidentiel, tout... = propriété privée. Dans cette mesure les cadres actuels ont peur du changement car trouvant intérêt dans les structures actuelles... Mais le but est d'organiser je pense un simulacre d'élections dites libres qui respecteraient un tant soit peu la représentativité de l'opposition avec des observateurs internationaux qui ne noteraient pas d'incidents majeurs et voila le tour est joué, le résultat lui étant connu ici d'avance... Comment en effet ne pas gagner si les principaux opposants sont exclus du jeu : Gilchrist Olympio, fils du premier président dont l'armée dit s'il atterrit au Togo, elle reprend illico le pouvoir ! Tout ça n'est pas perçu depuis l'extérieur. La CEDEAO, notre "ONU" régionale, elle a fait son boulot , pour elle ce fut de chasser Eyadema le fils.[...]
Il faut aussi analyser les choses au niveau de la constitution. Le fait qu'elle a été écrite entièrement par un Français, Debbasch, et que celui-ci la connaît par coeur pose problème. Il devrait être neutre. Seulement voila, la famille Eyadema l'avait engagé , et dès la mort du père c'est lui qui a concocté dit-on ( c'est une certitude quasiment, car il a même loué un avion pour se rendre en express a Lomé... ) la potion magique, la potion constitutionnelle qui a permis l'arrivée au pouvoir du fils Eyadema. Cela ajoute au dégoût pour ce français, pour Chirac cela est acquis, d'où un sentiment un peu lourd contre la France , mais pas anti-français au Togo. Car la France on le sait ici aussi ne fait pas le poids face a l'Allemagne dans les décisions de l'UE(coopération). En effet maintes fois la France, amie du Togo, avait exigé à Bruxelles la reprise de la coopération et chaque fois c'est l'Allemagne, première métropole, qui a eu le mot final : La démocratie avant tout. Cette attitude de l'Occident d'exiger une quelconque démocratie avant toute coopération peut être égoïste a mon sens et l'est. La Libye, des pays arabes et du proche-orient sont moins démocratiques que le Togo, disons-le ! Mais en tant que principaux clients , partenaires commerciaux de l'Europe qui ne peut se passer de leur pétrole , de leurs ressources, on crie de temps en temps aux atteintes à la démocratie sans pour autant cesser de faire des transactions avec ces pays. Alors dans la mesure où des pays comme le Togo n'ont aucun poids économique réel dans le marché de l'Occident , on peut se dédommager de certaines pratiques douteuses parfois et chercher à se faire bonne conscience sur certains exemples. Un jour où des questions se poseront sur la démocratie dans le monde : La France dira je suis intervenu au Togo , en exemple choisi , et tâchera de ne pas parler de la Libye. Ça fait un exemple , c'est déjà l'ESSENTIEL. Mais à y voir plus clair, instaurer la démocratie au Togo, ce serait pouvoir faire pression sur le Bénin, sur le Burkina et petit à petit sur toute l'Afrique de l'Ouest. De même contraindre un pays frontalier de la Libye à un tel jeu permettrait d'avoir du poids sur la Libye. D'où souvent on s'acharne sur les "petits".
Cela dit la vie est désormais un long fleuve tranquille sur la scène politique ici, où les partis doivent présenter leur candidat.... et ce (tranquillité) jusqu'au 13, obsèques du "père de la nation" (expression que je n'aime pas personnellement, mais employée continuellement par les officiels, les medias, le fils au président qui ne sait pas dire mon père... )..
Concernant la France , Eyadema a eu des relations très fortes avec tous les présidents français de l'actuelle république et très fortement a partir des années 80 car disposant alors d'argent il a souvent financé les partis politiques français au pouvoir !
Les liens avec l'oncle sam (states of america , savais-tu l'origine de sam? ) , je doute de tes informations . Bref pas de bêtises dans ce que tu dis, mais une incompréhension à ce niveau. Car je pense que ceux-ci ne recherchent aussi que leur intérêt. Mais un intérêt réel qui développe toutefois l'autre. En 90, ils étaient quasiment absents de l'Afrique de l'Ouest et cherchaient une base arrière. Ce fut le Togo qui fut choisi. Voila ce qui devrait se faire :
- Une zone franche avec délocalisation  d'usines de construction automobiles, avions, hélicos, prospections de pétrole...
- Instauration de l'anglais comme seconde langue (on l'avait accepte car c'est plutôt favorable): : ils devaient fournir la logistique nécessaire pour apprendre l'anglais dès le primaire.
Seulement en 90 il y a eu « guerre civile » (appelons ça comme cela) au Togo. Et voila ils sont partis et depuis comme ils ont trouvé ailleurs (au Nigeria ? ) pourquoi chercher encore. Si les états unis s'intéressent au Togo, peut-être aujourd'hui, c'est qu'ils redoutent le futur au Nigeria (?)
Ma réponse :
Merci pour ton "papier" bien éclairant. Je suis tout à fait d'accord avec toi sur l'hypocrisie des puissances occidentales quant à la nécessité, ou non, d'exiger la démocratie dans les "petits" pays. C'est un peu l'inverse, mais au fond c'est la même chose quand l'oncle Sam renverse une dictature en Irak et s'accomode fort bien de la dictature en Arabie saoudite, celle-ci lui étant plus favorable.
D'accord avec toi pour ce qui est des états unis, c'est ce que je voulais dire mais je me suis mal exprimé. Evidemment les états unis recherchent leur intérêt, mais me paraissent plus malins, à l'inverse des français, qui sont en train de dilapider un formidable capital de sympathie.
L'origine de "oncle SAM" : j'ai du le savoir, mais j'avais oublié !
J'espère pour ma part que l'Europe se comportera de manière intelligente comme elle a pu le faire (aide au développement économique contre développement des droits de l'homme, après tout c'est l'idée fondatrice de l'Europe), mais que le Togo et les autres pays de la région garderont leurs trésors culturels, humains, sociaux et naturels, comme nous avons pu en découvrir quelques-uns au cours de notre voyage. Je dis ça parce que par ici nous sommes riches mais bien tristes ! ...
A+ Gab

 

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Commentaires
L
Très intéressant.<br /> J'avais écouté un numéro de l'émission "les enjeux internationaux", sur France Culture, récent, à propos de la prise du pouvoir au Togo, à la mort d' Eyadéma père, par son fils, et à propos bien sûr des évolutions possibles, positives et négatives, de la situation.<br /> Ton échange avec cet ami Stéphan, lucide et éclairé, rééclaire un peu ma lanterne. Que l'infâmie real-politik des puissances occidentales (La France léchant le cul des grand moujiks, les Étas-Unis intéressés et cyniques, et l'Allemagne moraliste par exemple) puisse, somme toute, avoir des effets positifs, cela ne m'était pas apparu du tout.<br /> Je n'y comprends pas grand-chose, mais un chouia de plus qu'avant où j'ignorais tout. "L'essentiel c'est que la communauté internationale trouve nos élections démocratiques même si elles sont truquées , comme ça pourra reprendre la coopération et les étrangers reviendront. C'est tout ce qu'on peut souhaiter présentement." et "à y voir plus clair, instaurer la démocratie au Togo, ce serait pouvoir faire pression sur le Bénin, sur le Burkina et petit à petit sur toute l'Afrique de l'Ouest. De même contraindre un pays frontalier de la Libye à un tel jeu permettrait d'avoir du poids sur la Libye." sont des remarques géopolotiques d'expérience et de poids. Que votre dialogue continue. Et souhaitons au Togo la possibilité d'élections, qui, si j'ai bien compris, serait un premier pas vers, comme disent les politiques et les journalistes, "une sortie de crise"...
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