À tous ceux qui sont décidés à voter non, et qui se seraient égarés chez un "ouiste"...
« la gauche qui vote "non" n'a évidemment
rien de commun avec l'extrême droite ».
Évidemment, c'est ce qu'on peut espérer. Voyons cet argumentaire pour le "non" :
« La constitution étend la libéralisation du commerce
international aux investissements directs (art. III-314). La constitution
abolit l’exception culturelle, sociale, éducative, sanitaire, en matière de
commerce international (art. III-315 §4) »
« La constitution abolit la distinction entre dépenses
obligatoires et non obligatoires : la politique agricole commune ne sera plus
financée, nos agriculteurs seront livrés sans soutien à la domination
américaine (art. I-53 §4) »
« La constitution accélère la libéralisation des services et
soumet les services publics à la concurrence (art. III-148 §1, III-166,
III-167...). Elle ne change rien au stupide Pacte de stabilité et aux
contraintes budgétaires de Maastricht (art. III-184, III-185 §1, protocole
n°10). Elle intervient en matière de politique sociale et fixe les grandes
lignes de la politique de l’emploi (art. I-15, III-206, III-210, III-213) »
« La sécurité européenne est soumise à l’ONU et à l’OTAN :
l’Union européenne ne veut pas être une rivale des Etats-Unis, elle veut être
un vassal (art. I-41) .»
Attac ? Fondation copernic ? Parti communiste ? Non, front national ; à consulter sur le site officiel des députés du front national au parlement européen. Je ne vous donne pas le lien, vérifiez par vous-même...
"L’Europe n’est pour
rien dans la paix ! (...) la paix a été obtenue par l’espèce d’équilibre que
donnait la terreur des deux grands, l’URSS et les Etats-Unis". Jean-Marie
26 avril (à gauche, le leader du FN à Prague).
"Ce n'est pas l'Union européenne qui a produit la paix. C'est la paix qui
a permis à l'Union européenne d'être créée".
La première citation est de Le
Pen, France 2
La deuxième est de Jacques Nikonoff, lors du débat organisé par café babel le 29 avril.
Références trouvées ici : http://hugues.blogs.com/commvat/
Bon, vous me direz, Le Pen peut avoir raison de temps en temps, non ? Ce n'est parce qu'il s'appelle Le Pen que etc... N'empêche, c'est des détails bien gênants...
Bon, quelques considérations moins polémiques. L'argument principal de nonistes de gauche pourrait être résumé en disant que le TCE "institutionnalise la dictature du marché" (Danièle Mitterrand).
J'ai passé ma journée à essayer de comprendre, et j'en suis
arrivé à mettre en cause l'égalité
"libéralisme = dicature",
bien
commode mais un peu dangereuse, voir plus haut.
Je crois qu'il ne faut pas tout mélanger, et essayer de nuancer.
économie de marché libéralisme
OMC
AGCS
mondialisation
Ces mots renvoient à des réalités différentes. Je soumets à votre réflexion ma moisson d'aujourd'hui :
« Or il me semble que
cette focalisation sur le libre-échangisme, qui a toujours fait partie de la
construction européenne, manque de sincérité. A vrai dire, je suis aujourd'hui
en opposition stratégique avec le non de gauche. Dans l'univers qui s'annonce,
on ne peut confondre l'ultralibéralisme avec l'économie de marché. (...)
Et les postures du genre "Nous voulons l'Europe mais pas celle-là"
sont fragiles, car elles ne proposent pas d'autre projet européen (...)
La construction d'une entité méta-nationale aboutit à la création d'un marché
intérieur uniforme dans lequel il faut abolir les barrières douanières, comme
la Révolution française l'a fait dans ses provinces. »
Emmanuel Todd
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-643045,0.html
« Un argument récurrent d’ATTAC est que le texte est trop libéral et pas assez social et plus encore qu’il organise la régression sociale. Notamment parce que la « concurrence libre et non faussée » serait le principe le plus fort de l’Union.
Ni
le « marché », ni la « concurrence » ne figurent parmi les
valeurs et les objectifs de l’Union. C’est le concept « d’économie sociale
de marché » issu de la théorie politique allemande qui est présent à
l’article I-3. Il désigne l’exigence de conciliation entre l’économie de marché
et les valeurs de cohésion et de protection sociale. Il est parfaitement
vrai de dire que le choix de l’économie de marché basée sur la
« concurrence libre et non faussée » est présent dans la construction
européenne depuis son origine en 1957 et même que l’économie a été au centre de
la construction européenne, mais cela est vrai depuis 40 ans et n’a été remise
en cause par aucun pays membres… et notamment parce que la tentative
d’Europe politique en germe dans la Communauté Européenne de Défense - CED en
1954 a été rejetée par la France. (
C'est moi qui souligne. )
Le TCE commence plutôt à apporter des correctifs sur ce point.
Ainsi, grâce à
l’ajout de la partie I, la concurrence devient un moyen et non plus un objectif.
Au demeurant, « la concurrence libre et non faussée » est-elle un
danger ? C’est bien plutôt la concentration, les monopoles qui sont un
danger non seulement pour le consommateur mais aussi pour le pluralisme et la
démocratie, notamment en matière de communication et de culture (ex : si
Hachette avait été autorisé à racheter les activités publications de Vivendi,
il aurait contrôlé 70 % de la production éditoriale française, mais la
Commission européenne s’y est opposée en fonction du principe de libre
concurrence…) »
Emmanuelle et Maurice Parodi
http://ouieurope.over-blog.com/article-341481.html
( Attention danger, ce blog a l'air d'être une émanation de la cfdt honnie ! )
Lula et Berlusconi
sont tous deux favorables à la libre entreprise : peut-on les mettre dans le
même sac ? L’extrême-gauche, toute à ses vieilles lunes anti-capitalistes et
collectivistes, rejette – comme elle le fait depuis 1920 - tous ceux qui
admettent le principe de l’économie de marché et les dénoncent bruyamment comme
« libéraux ». Vieille tactique d’amalgame qui cherche à décrédibiliser la
gauche classique en l’assimilant à la droite libérale ou même au « social
fascisme ». Lénine ne faisait pas autre chose. Une secte idéologique
ultra-minoritaire a pris le contrôle intellectuel de l’opposition au
référendum. Telle est la réalité politique de cette affaire.
http://blogs.nouvelobs.com/Laurent_Joffrin/
Bon, et si on quittait le terrain miné de l'économique ?
Les nonistes se focalisent sur la partie III, qui reprend les traité
antérieurs, et ne voient dans les parties I et II qu'un moyen caché pour
verrouiller à tout jamais la dictature du marché. Et si il y avait autre chose,
dans ces deux parties ? L'amorce d'une Europe politique, par exemple ? Et si
finalement c'est ça qui faisait peur aux nonistes ?
Dans l'excellent – quoique globalement pro-oui – blog publius, ce commentaire à la note "traité constitutionnel bis":
« G. Bush n'est pas pour le TECE ...
L'Europe emmerde les Etats-Unis, avant l' UE ils n'ont jamais eu à négocier sur
fond économique. Personne n'a jamais remis en question les fusions
inter-américaines ou les monopoles exercés par des compagnies américaines à
l'étranger... personne sauf l'UE! Car l'UE est la seule entité économique
capable d'avoir un poid suffisant pour imposer des règles aux entreprises
américaines comme les USA en imposent aux entreprises du reste du monde.
Lorsque les autorités américaines parlent de l'UE, elles espèrent que l'UE va
gentîment se disloquer, et le plus vite serait le mieux pour eux, afin de
s'assurer une plus grande hégémonie dans le monde occidental.
Non, Bush n'est pas pour que les pays de l'UE adoptent le TECE, mais il espère
qu'en disant haut et fort qu'il y est favorable que les européens vont tout
faire foirer comme nos chers compatriotes sont en train de le faire.
Et le meilleur dans cette histoire c'est que ce sont les plus anti-américains
des français qui vont lui donner son cadeau de noel avant l'heure... ironique
non? »
Rédigé par: Olivier | mai 11, 2005 11:52 PM
Enfin, des axtraits d'un article d'Edgar Morin, avec les
défauts qu'on lui connait, mais aussi des éléments de réflexion...
« A quand une Europe
visionnaire ?
La distribution à profusion du texte du projet de
Constitution européenne ne va qu'accroître la confusion et la perplexité. De
même que l'on tire les arguments les plus contradictoires de la Bible, du Coran
et des Evangiles, de même, très légitimement, les partisans du non extraient
les éléments négatifs du texte constitutionnel, tandis que les partisans du oui
en extraient les éléments positifs. D'où, pour le citoyen incertain, un
accroissement d'incertitudes et, dans l'incertitude, la disposition à un vote
négatif.
Or c'est un vice de pensée que de se concentrer exclusivement sur un texte. Le
sens de tout texte ne s'éclaire que dans la considération de son contexte, et
ici seul le contexte permet de déterminer le choix.
Quel est le contexte ? Il est historique et il est actuel.
...
Le contexte historique nous ramène à l'idée première. Afin d'en finir avec les
deux guerres suicidaires du XXe siècle, les "pères
fondateurs" ont incité à une union politique et culturelle qui unirait les
nations sinon dans une fédération, du moins dans une confédération.
La résistance des nationalismes, notamment français, a empêché dans les
années 1950 toute institution supranationale et elle a rejeté notamment la
Communauté européenne de défense.
( C'est moi qui souligne.)
...
C'est alors qu'il apparaît nettement aujourd'hui que l'Europe économique n'est
qu'un nain, voire qu'un fœtus politique, et cela en un temps où de plus en plus
le besoin pacificateur et novateur de l'Europe se fait sentir dans un contexte
planétaire lui-même de plus en plus cahoté et chaotique et en un temps où la
conscience d'une communauté de destin devrait s'imposer face aux puissances
continentales comme les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, l'Amérique latine : non
tant pour s'opposer à eux, mais pour imposer sa propre existence d'entité
européenne.
Ainsi, nous semble-t-il, le contexte historique et le contexte planétaire
actuel nous posent la question : l'Europe doit-elle naître politiquement ou au
contraire est-elle seulement vouée à demeurer un marché ?
Alors qu'un vote négatif stimulerait les oppositions entre souverainistes et
européistes partisans d'un nouveau traité, entre trotskistes, communistes,
fabiusiens, emmanuellistes, de villiéristes et lepénistes, l'adoption d'une
Constitution dépasserait le caractère hétéroclite des partisans du oui.
Dans ce contexte, la Constitution, avec ses défauts et ses qualités, ses
carences et ses oublis vaut mieux que pas de Constitution du tout, car elle
apporterait un socle politique institutionnel à partir duquel une dynamique
politique endormie pourrait se réanimer.
...
Ce qui manque pour peser positivement sur le vote, c'est la conscience d'une
communauté de destin à échafauder. C'est la conscience d'un grand dessein que
l'Europe devrait apporter à elle-même et au monde. C'est la conscience que,
dans la menace de guerre de civilisation et/ou de religion, l'Europe pourrait
se dresser comme force pacifiante parce que portant en elle une diversité
multiculturelle et multireligieuse pacifique et parce que portant enfin en elle
un véritable universalisme.
C'est la volonté de rompre définitivement avec une civilisation de la puissance
pour s'engager dans une civilisation de la rencontre et du dialogue. C'est
d'ouvrir une voie de salut pour l'humanité.
...
Or l'Europe pourrait être porteuse d'un modèle qualitatif fondé sur la qualité
de vie et ce qu'Aristote appelait la vie bonne. Bien sûr, tout cela
nécessiterait une pensée, une conscience de la nécessité et de la difficulté de
changer de voie. Nous en sommes loin.
...
Un vote négatif aurait à mon sens des conséquences négatives. Il ne susciterait
toutefois pas le chaos : nous y sommes ; il l'aggraverait sans doute, mais
surtout il tuerait dans l'œuf l'Europe politique, seule condition pour que
l'Europe devienne européenne. Alors apparaît clairement la question : l'Europe
sera-t-elle européenne ou ne restera-t-elle qu'un souk commun ? »
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-648016,0.html
Notez qu'après
Nietszche qui vote non, Aristote semble pencher pour le oui...
Mais j'ai trouvé un argument de poids en faveur du non : les cigarettes en chocolat devraient être bientôt interdites, pour "mettre en conformité la législation française avec la recommandation du Conseil de l'Union européenne de décembre 2002 relative à la prévention du tabagisme". D'ailleurs, "les cigarettes en chocolat sont d'ores et déjà interdites dans de nombreux pays, tels que le Canada, le Royaume Uni, la Finlande, la Norvège ou l'Australie".
http://permanent.nouvelobs.com/politique/20050512.OBS6534.html
Allez, bonne nuit à tout le monde...