Soutien à redeker : l'un signe, l'autre pas
voir le texte de soutien ici
« Je suis choqué par la légèreté analytique
de ce qu'a écrit M. Redeker : je me découvre irrévocablement agent de haine et
irrécusablement archaïque, et barbare, du fait que j'ai été formé en tant que
sujet par la structuration symbolique et imaginaire nourrie par la
fréquentation coranique. Cette inférence est inacceptable, même pour le
musulman athée que je suis. Un tel texte est égal aux pamphlets antisémites les
plus abjects, ceux écrits par Céline par exemple. L'utilisation en une telle
abjection de feu mon ami Maxime Rodinson est scandaleuse. Et, s'il était parmi
nous, il aurait partagé un tel scandale. L'enjeu de tous est d'aider à ce que
l'islam neutralise ses démons islamistes. Ma critique de l'islam et de son
évolution est des plus radicales, des plus exigeantes aussi, elle est le
produit d'un savoir qui éclaire le sujet approché. Elle est surtout mue par
l'amour du sujet et non par sa haine et son désir de destruction. Malgré ces
réserves graves, jamais je ne céderai devant la terreur islamiste et leur
attaque constante des précieux acquis européens, dont ceux de la liberté
d'exprimer son opinion. Et, dans la logique qui est la nôtre, l'abjection peut
être soumise à l'instance juridique et non au règne sauvage des fatwas : aussi
suis-je amené à joindre mon nom à la pétition en sa faveur. »
Abdelwahab Meddeb, écrivain et poète tunisien, animateur de l'émission "Culture d'islam"sur France Culture, auteur de "La maladie de l'islam" (Editions Le Seuil, 2002 ) .Courrier à Libération, 6-10-2006.
« Nous cheminons sur une route bordée de deux
gouffres profonds. Je crains que les intellectuels signataires de l' "appel
en faveur de Robert Redeker" n'aient vu qu'un seul précipice et qu'ils
reculent horrifiés devant lui au risque de tomber au fond du ravin qu'ils n'ont
pas voulu voir.
Mon accord avec eux est complet
en ce qui concerne la défense vigilante de la liberté d'expression.
[…]
Il faut donc regarder de
plusieurs côtés à la fois. On peut, on doit défendre les droits élémentaires
d'une personne sans abandonner tout esprit critique à son égard. "Quel
que soit le contenu de l'article de Robert Redeker" écrivent les
signataires sans autre précision. Je regrette, là je ne peux plus du tout les
suivre. Combattre le gouffre de l'intolérance n'implique pas de se coucher
devant la bêtise haineuse. […] l'auteur dénonce les "intellectuels qui
incarnent l'oeil du Coran, comme ils incarnaient l'oeil de Moscou, hier"
et "ne s'opposent pas à la construction de mosquées".
La lecture de texte qu'opère
Redeker est inadmissible s'agissant d'un professeur de philosophie dont le
devoir professionnel serait d'enseigner l'objectivation, la prise de distance à
l'égard de ses affects, l'analyse critique. Le soutenir doit donc s'accompagner
de la mise en cause du contenu et de la forme de ses propos.
Non, je ne comprends vraiment pas
le "quel que soit le contenu de l'article" et je ressens cela
comme une grave menace pour la liberté de penser elle-même. J'imagine la
situation en 1894 ; supposons une minute qu'ait existé alors un groupe
d'extrémistes menaçant Edouard Drumont ou un autre publiciste antisémite (qui
lisaient les textes exactement de la même manière), pouvons-nous concevoir ceux
que l'affaire Dreyfus allait faire qualifier d'intellectuels écrivant pour
défendre le publiciste attaqué : "quel que soit le contenu des articles
de La Libre Parole (l'organe de Drumont)..." ? La recherche
historique montre que tous les thèmes antidreyfusards circulaient avant
l'affaire Dreyfus. De tels stéréotypes sont permanents ; seules changent les
minorités qu'ils transforment en boucs émissaires. La lutte contre
l'intolérance ne dispense pas de la lutte contre la bêtise haineuse. »
Jean Baubérot,
historien, spécialiste de l'histoire de la laïcité à l'Ecole pratique des
hautes études.
Le Monde, édition du 06.10.06
Deux analyses proches l'une de l'autre, qui font toutes deux le rapprochement entre la position de Redeker et l'antisémitisme le plus abject… Et pourtant l'un signe et l'autre pas…
Abdelwahab Meddeb ne cédera jamais devant la terreur islamiste, est-ce à dire que Jean Baubérot a cédé ?
En tout cas il monte en épingle le "quel que soit le contenu…", mettant ainsi au même niveau l'expression d'une opinion et une menace de mort.
Il reproche à Robert Redeker de faire un usage
"tronqué et unilatéral des dires de M Rodinson", mais il use du même
procédé vis-à-vis de Redeker quand il tronque une citation de la tribune
incriminée, en en altérant ainsi complètement le sens : Robert Redeker disait :
"ceux-là même qui s’élevaient contre
l’inauguration d’un Parvis Jean-Paul-II à Paris ne s’opposent pas à la
construction de mosquées", soulignant ainsi le peu de cohérence de
certains défenseurs de laïcité. Faut-il rappeler par ailleurs à Jean Baubérot,
spécialiste de la laïcité, que "la République ne reconnaît, ne salarie ni
ne suventionne aucun culte" ?
Baubérot
feint de consisérer que Redeker est dans l'exercice de sa profession quand il
écrit cette tribune. Évidemment il n'en est rien. L'histoire de la philosophie
est parcourue de pamphlets, de polémiques, d'écrits incendiaires, et la tribune
de Redeker est dans cette tradition.
Baubérot
n'argumente pas contre Robert Redeker, il parle de bêtise haineuse, il compare
Redeker à Drumont. Il semble pourtant qu'il y ait de la marge. Pour mémoire,
l'humoriste (sic) Dieudonné a été définitivement lavé de tout soupçon
d'antisémitisme quand il a déclaré à "Lyon Capitale" en janvier 2002
:
« Le racisme a
été inventé par Abraham. “Le peuple élu”, c’est le début du racisme. Les
musulmans aujourd’hui renvoient la réponse du berger à la bergère. Juifs et
musulmans pour moi, ça n’existe pas. Donc antisémite n’existe pas parce que
juif n’existe pas. Ce sont deux notions aussi stupides l’une que l’autre.
Personne n’est juif ou alors tout le monde. Je ne comprends rien à cette
histoire. Pour moi, les juifs, c’est une secte, une escroquerie. C’est une des
plus graves parce que c’est la première. Certains musulmans prennent la même
voie en ranimant des concepts comme “la guerre sainte” etc. »
Cette
marge, Baubérot feint de ne pas la voir. Je trouve Meddeb beaucoup plus
sincère, respectable, quand, visiblement profondément blessé, il ne voit pas
lui non plus cette marge, et qu'il compare lui aussi le texte de Redeker aux "pamphlets
antisémites les plus abjects". Meddeb ne cherche pas à argumenter , il
nous fait part de son émotion, et cela est plus troublant, et cela d'autant
plus que Meddeb soutient Redeker…
Je lis et je relis le texte de
Redeker. Je comprends qu'il puisse blesser un musulman, mais je n'y vois pas de
ligne rouge franchie, je n'y vois pas de problématique "racisme
anti-musulman", comme on a pu parler il n'y a pas si longtemps que ça de "racisme
anti-chrétien", ou de "racisme anti-français". Le passage le plus
litigieux me semble être celui où Redeker dit : " Haine et violence habitent le livre dans lequel tout
musulman est éduqué, le Coran." Il y a là un début de stigmatisation du
musulman. En admettant même que haine et violence soient les seuls habitants du
Coran, il est faux de croire que tout musulman est éduqué dans cette haine.
Fort heureusement la pratique religieuse du musulman de base s'autorise bien
des prises de distance, des accomodements…
Est-ce
à dire que tous les musulmans, ou plus précisément les "musulmans
athées", comme le dit Meddeb, ont été choqués par la tribune de Redeker ?
Eh bien, peut-être pas, mais il faut aller chercher… dans le monde musulman !
http://www.makabylie.info/?breve918
Enfin,
musulman… Dans la sphère d'influence musulmane, mais il y a de la résistance,
apparemment, comme on s'en aperçoit en se promenant dans le site…
On peut
voir aussi cette extraordinaire
vidéo d'une interview de Wafa Sultan à la télé danoise, à propos de
l'affaire des caricatures.
Voir la biographie de Wafa Sultan
sur Wikipedia.
D'origine
syrienne, elle est maintenant installée aux Etats-Unis. Elle s'est rendue
célèbre par une
intervention sur la chaîne Al Jezira, le 21-2-2006.
Où on
peut se dire que, finalement, Redeker est relativement modéré…
Et
puis, tant qu'on y est, deux citations de Nietzsche :
"L'espèce d'homme la plus vicieuse est le
prêtre: il enseigne la contre-nature. Contre le prêtre, on n'a pas de
raisonnements, on a les travaux forcés."
(L'Antéchrist)
"J'appelle le Christianisme l'unique grande
malédiction, l'unique grande corruption intime, l'unique grand instinct de
vengeance, pour qui aucun moyen n'est assez venimeux, assez secret, assez
souterrain, assez mesquin - je l'appelle l'immortelle flétrissure de
l'humanité..."
(L'Antéchrist)
Ouh là ! il faudrait pas s'aviser de parler de l'islam comme
ça !