Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le blog de gab
22 octobre 2006

le discours de ratisbonne : ce que le pape a dit

Un très beau dicours, un très beau texte, à lire et à relire. Un texte qui dérange apparemment les musulmans, mais peut-être pas seulement. Un texte qui peut déranger tout un chacun (j'en suis) qui a définitivement mis au rayon des vieilles lunes et des superstitions stupides des concepts tels que "foi" , "dieu", "théologie".

Benoît XVI défend sa foi, la foi chrétienne, d'une façon claire et raisonnée. Il tourne le dos à un vague syncrétisme, à un dialogue interreligieux convenu et inutile. On ne peut pas le lui reprocher.

Le titre de discours est : "Foi, Raison et Université. Mémoires et réflexions". Il semble qu'on en ait quelque peu oublié le coté universitaire :

 

C'est pour moi un moment de grande émotion de me trouver une nouvelle fois dans cette université et de pouvoir une nouvelle fois donner un cours.

 

Dans son introduction, Benoît XVI se souvient de son travail d'enseignant à l'Université de Bonn, et de la manière dont la théologie s'insérait naturellement dans le travail universitaire :

 

Sans aucun doute, l'université était également fière de ses deux facultés de théologie. Il était clair qu'elles aussi, en s'interrogeant sur la dimension raisonnable de la foi, accomplissaient un travail qui nécessairement fait partie du "tout" de l'universitas scientiarum, même si tous pouvaient ne pas partager la foi, dont la relation avec la raison commune est l'objet du travail des théologiens.

 

Dans le contexte du thème "foi et raison", il évoque le désormais célèbre empereur Manuel II paléologue. Il en fait deux citations, et on peut se demander en fait laquelle dérange le plus certains musulmans, ou certains critiques :

 

"Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l'épée la foi qu'il prêchait".

 

ou bien :

"Dieu n'apprécie pas le sang — dit-il —, ne pas agir selon la raison , sun logô, est contraire à la nature de Dieu. La foi est le fruit de l'âme, non du corps. Celui, par conséquent, qui veut conduire quelqu'un à la foi a besoin de la capacité de bien parler et de raisonner correctement, et non de la violence et de la menace... Pour convaincre une âme raisonnable, il n'est pas besoin de disposer ni de son bras, ni d'instrument pour frapper ni de quelque autre moyen que ce soit avec lequel on pourrait menacer une personne de mort..."

 

En tout cas la position de Benoît XVI au sujet de la violence est sans ambiguïté. Les deux citations sont articulées entre elles par ses paroles :

 

 L'empereur, après s'être prononcé de manière si peu amène, explique ensuite minutieusement les raisons pour lesquelles la diffusion de la foi à travers la violence est une chose déraisonnable. La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la nature de l'âme.

 

« La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la nature de l'âme »… Voilà de quoi faire méditer ceux qui, imprégnés de relativisme culturel et de culpabilité occidentale, ont été chercher dans la bible et, de manière plus problématique, dans l'évangile, des paroles d' "inouïe violence", pour bien établir que, bien sûr, toutes les religions se valent, sont également porteuses de violence… Eh bien non, il semble que le christianisme ait définitivement tourné le dos à la tentation de la violence... Ce qu'a n'a pas encore fait l'islam, nous en avons hélas  des preuves tous les jours.

Bon, passons à autre chose.

Le point important est que Benoît XVI introduit ainsi le thème principal de son discours : ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. Benoît XVI voit dans cette conviction le point crucial où foi chrétienne et raison grecque se rapprochent, s'unissent :

 

La conviction qu'agir contre la raison serait en contradiction avec la nature de Dieu, est-elle seulement une manière de penser grecque ou vaut-elle toujours et en soi ? Je pense qu'ici se manifeste la profonde concordance entre ce qui est grec dans le meilleur sens du terme et ce qu'est la foi en Dieu sur le fondement de la Bible.

 

Ce rapprochement est présent dès l'origine du christianisme : "Au commencement était le logos", nous dit l'évangéliste Jean. Il n'est pas dû au simple hasard, il est nécessaire, il a ses racines dans l'ancien testament, il est consubstantiel à l'histoire du christianisme et à sa diffusion :

 

Fondamentalement, [au sujet de la traduction grecque de l'Ancien Testament réalisée à Alexandrie] il s'agit d'une rencontre entre la foi et la raison, entre l'authentique philosophie des lumières et la religion. En partant véritablement de la nature intime de la foi chrétienne et, dans le même temps, de la nature de la pensée grecque qui ne faisait désormais plus qu'un avec la foi, Manuel II pouvait dire : Ne pas agir "avec le logos" est contraire à la nature de Dieu.

Il accompagne le développement du christianisme jusqu'au début de l'époque moderne, malgré quelques remises en cause de théologiens comme Duns Scott. Benoît XVI insiste :

 

En opposition à cela, la foi de l'Église s'est toujours tenue à la conviction qu'entre Dieu et nous, entre son Esprit créateur éternel et notre raison créée, il existe une vraie analogie dans laquelle — comme le dit le IVe Concile du Latran en 1215 — les dissemblances sont certes assurément plus grandes que les ressemblances, mais toutefois pas au point d'abolir l'analogie et son langage.

 

Ce rapprochement est un fait décisif de l'histoire universelle, « un fait qui nous crée des obligations aujourd'hui encore ». Il est à l'origine et demeure le fondement « de ce que l'on peut à juste titre appeler l'Europe ».

 

À partir de l'époque moderne apparaissent des mouvements de « des-hellénisation » du christianisme.

Le premier de ces mouvements est celui de la Réforme, au XVIe siècle. Les réformateurs veulent retrouver la foi  dans son sens véritable et originel, et pour cela il faut la libérer de la métaphysique. Kant pousse cette logique jusqu'au bout : « Ainsi a-t-il [Kant] ancré la foi exclusivement dans la raison pratique, en lui niant l'accès au tout de la réalité. »

À ce mouvement succède celui de la théologie libérale du XIXe et de XXe siècle. Il vise à réduire le christianisme à un humanisme, le libérant de tout aspect philosophique ou théologique, la théologie devenant alors une science historique. Ceci est en accord avec l' « autolimitation » moderne de la raison, que Benoît XVI circonscrit ainsi :

 

D'une part, on présuppose la structure mathématique de la matière, sa rationalité intrinsèque, pour ainsi dire, qui rend possible sa compréhension et son utilisation dans son efficacité opérationnelle : ce présupposé de fond est pour ainsi dire l'élément platonicien dans le concept moderne de la nature. D'autre part, on envisage l'"utilisabilité" fonctionnelle de la nature selon nos objectifs, où seule la possibilité de contrôler vérité et erreur à travers l'expérience fournit une certitude décisive.

 

Cette évolution de la conception de la raison a pour effet de réduire et la diversité de la science, (les sciences humaines cherchant à se rapprocher du canon mathématico-empirique), et le domaine de la raison (la question de Dieu est dorénavant rejetée de ce domaine). « Alors c'est l'homme lui-même qui devient victime d'une réduction » :

 

Car les interrogations proprement humaines, c'est-à-dire celles concernant les questions sur "d'où" et "vers où", les interrogations de la religion et de l'ethos, ne peuvent alors pas trouver de place dans l'espace de la raison commune décrite par la "science" interprétée de cette façon, et elles doivent être déplacées dans le domaine du subjectif. Le sujet décide, à partir de ses expériences, ce qui lui apparaît religieusement possible, et la "conscience" subjective devient, en définitive, la seule instance éthique

 

Enfin le troisième temps de la deshellénisation du christianisme est celui, actuel, de l'inculturation : la rencontre du christianisme avec le monde grec a été une première inculturation, elle doit laisser la place à d'autres inculturations dans sa rencontre avec d'autres civilisations. Pour Benoît XVI, cela est vrai en partie seulement, tant la synthèse de la foi et du logos grec est le fondement du christianisme.

 

Dans sa conclusion, Benoît XVI affirme qu'il ne pense pas à un quelconque retour en arrière, à une remise en cause des convictions de l'époque contemporaine. Il propose au contraire

 

un élargissement de notre concept de raison et de l'usage de celle-ci. Car malgré toute la joie éprouvée face aux possibilités de l'homme, nous voyons également les menaces qui y apparaissent et nous devons nous demander comment nous pouvons les dominer. Nous y réussissons seulement si la raison et la foi se retrouvent unies d'une manière nouvelle ; si nous franchissons la limite auto-décrétée par la raison à ce qui est vérifiable par l'expérience, et si nous ouvrons à nouveau à celle-ci toutes ses perspectives.

 

C'est aussi la condition d'un véritable dialogue des cultures et des religions : « Une raison qui reste sourde face au divin et qui repousse la religion dans le domaine des sous-cultures est incapable de s'insérer dans le dialogue des cultures. »

« Depuis longtemps l'Occident est menacé par cette aversion contre les interrogations de sa raison, et ainsi il ne peut subir qu'un grand dommage. » Cela sonne comme un diagnostic impitoyable de notre état d'aveuglement, et comme un avertissement clair.

Revenant à son point de départ, Benoît XVI termine en disant :

 

"Ne pas agir selon la raison, ne pas agir avec le logos, est contraire à la nature de Dieu" a dit Manuel II, partant de son image chrétienne de Dieu, à son interlocuteur persan. C'est à ce grand logos, à cette ampleur de la raison, que nous invitons nos interlocuteurs dans le dialogue des cultures. La retrouver nous-mêmes toujours à nouveau, est la grande tâche de l'université.

Loin des polémiques déplacées qu'il a suscitées, et qui en masque la véritable nature, nous avons affaire à un texte d'une grande tenue. Rien de ce qu'il dit ne peut être négligé, ni balayé d'un geste désinvolte, à mettre au compte d'une quelconque calotte, d'une quelconque secte frileuse, d'une assemblée de fanatiques aveuglés et exaltés. On y sent à tout moment la lumière de la raison. Loin de tous les sectarismes, de nouvelles réflexions, de nouvelles perspectives s'ouvrent à nous. Il reste maintenant à examiner, à argumenter, à réfléchir. Sans aucun doute un texte qui fera date.


On peut lire le texte intégral du discours de Ratisbonne par exemple ici .


Publicité
Publicité
Commentaires
I
Le truc c'est que c'est insultant et que ça n'a pas fait grand bruit. Je tenais donc à le faire savoir ici, bien que ça n'a aucun rapport je sais.
G
Ian : merci pour ce commentaire, mais je ne vois pas le rapport avec le message...
I
"Le coran est dégoutant". Propos tenus par Orlando de Rudder qui se permet de critiquer le Coran qu'il n'a pas approffondi. Il n'a pas du lire le vrai texte sacré. Il a du lire une version traduite du Coran très simpliste. Bien qu'il est sorti le "droit au blasphème" en 1989, il se permet d'insulter les croyants laics en faisant le jeu des raeliens, scientologues et témoins de Jéhovah. Il fait aussi l'amalgame entre islam et islamisme. Ce qui est de la diffamation gratuite. J'invite à tous les gens laics et démocrates d'aller sur le blog de cet intello raté qu'est Orlando de Rudder.
L
Très beau commentaire. Merci<br /> Lorenzo<br /> <br /> http://surprisparlajoie.blogspot.com
le blog de gab
Publicité
Archives
Publicité