retour en arrière
Il y a quelque temps j'avais découvert un site internet épatant, intitulé cannibalologue. Il a changé de nom, il s'appelle maintenant mad meg.
Mad Meg, ou Dülle griet en flamand, un tableau de Peter Bruegel.
On pourrait traduire par "la folle Margot". La folle Margot, donc,
c'est elle, mad meg, une sensibilité exacerbée, un art visionnaire et
qui s'inspire de sources anciennes...
Jusqu'au
10 décembre (dépêchez-vous !) elle expose avec d'autres (Jacques
Dupouy, Frank Rezzak) ses dernières oeuvres à la galerie l'Aiguillage.
La galerie l'Aiguillage, c'est une galerie qu'on pourrait qualifier d'underground, c'est 19 rue des frigos Paris 13e. Pour comprendre la chose, le mieux est de regarder le plan du quartier :
Le Paris impersonnel des voies express, de la spéculation immobilière
et de l'écrasante Très Grande Bibliothèque François Mitterrand. En face,
le ministère des finances, le Zénith...
Au milieu de tout cela un ilot de vie, de résistance :
On trouve l'entrée après quelques hésitations, on se retrouve dans un couloir sombre couvert de graffitis...
Une pancarte appelle facétieusement à ne pas couvrir le murs de tags, sinon
l'endroit est plutôt sinistre, comme une descente dans les enfers de la
langue...
Bref
j'arrive à la fameuse galerie, totalement déserte à part quelqu'un à
l'accueil quand même. Je lui demande si je peux faire des photos, c'est
ok.
Voilà
donc mad meg, toujours armée de sa plume, toujours sur les routes de la
déliquescence, pour dénoncer toutes les monstruosités de l'époque..
Allez sur son site pour voir ses dernières productions :
calamar géante ( un «rêve» : " je nageais dans l'abîme et l'eau caressait mes tentacules luminescents...")
Qu'est-ce qui peut bien rendre nos interieurs si differents, si sympatiques ? (un «tableau de digestion», d'après Van Eyk, les époux Arnolifini...
Le code de la famille...
Il me reste un peu de temps, je me décide à affronter la TGB, la BNF. Il faut du courage pour aborder ce monstre froid.
Cette architecture prétentieuse qui ne renvoie qu'à elle-même...
Ce lieu où on marche sur la tête, où il faut commencer par gravir des
escaliers sans grâce et sans perspective, pour se retrouver sur l'
esplanade, une deuxième fois coupé de la ville, dans un lieu abstrait
et hostile. Tout est à l'envers : les quatre immeubles en forme de
livre vous écrasent de leur puissance, alors qu'en contrebas une forêt
méphitique et artificielle est prisonnière de cet environnement
asphyxiant...
Je suis venu voir l'expo "Bestiaire médiéval". A priori assez éloigné de l'univers de mad meg, mais pas tant que ça.
Des trésors d'illustration, de "mise en page", d'imagination, qui
laissent loin derrière bon nombre de créations contemporaines. Mais
certaines légendes, certains textes sont particulièrement savoureux :
« Il y a trois sortes de lions :
Les premiers sont courts et ont le poil frisé ; ils ne sont pas féroces.
Les seconds sont grands et ont le poil raide ; ils sont dangereux.
Les derniers enfin n'ont pas de crinière. Ce ne sont pas des animaux nobles. »
( Brunetto Latini, trésor. )
Un certain Barthélémy l'anglais écrit à la fin du du XIV siècle le livre des propriétés des choses...
« Telle la grue qui veille sur sommeil de ses compagnes,
l'amant ne doit pas s'endormir d'amour. »
( Richard de Fournival, Bestiaire d'amour. )
« Il y a en Somalie, en certaines saisons, des griffons qui
ressemblent à des aigles. Ils ont une force exceptionnelle : ils
soulèvent en l'air un éléphant et le laissent tomber ensuite pour le
tuer. »
( Marco Polo, le livre des merveilles. )
« Dieu nous instruit par les bêtes de la Terre, et par les oiseaux du ciel il nous rend sages. »
( Job XXXV, 11. )
Le dialogue des créatures.
Sur l'origine davidique de la maison de France...
Le guépard apprivoisé, emblème des Visconti...
Al-Safi, traité des étoiles fixes.
Réminiscences, résonances...
Un savoir oublié, perdu.
Un savoir effacé.
Un savoir faux désormais.
En ce temps là nous donnions un nom à toutes choses sur Terre et dans le ciel.
Maintenant nous sommes nommés quelque part et provisoirement , nous sommes un moment arbitraire dans la chaîne des signifiants.
La chaîne de fabrication si vous voulez.
Le bestiaire médiéval
Bibliothèque nationale de France – site François-Mitterrand
Quai François-Mauriac – Paris XIIIe
Jusqu'au 8 janvier 2006
très beau site internet. N'oubliez pas de cliquer sur les images pour les agrandir, ou les replacer dans leur contexte...