Place Djema El Fna
Place Djema El Fna, Marrakech. « La place », disent les marrakchis.
Ouverte d’un coté sur une allée majestueuse, quelque peu européenne, qui conduit à la Koutoubia. De l’autre coté elle se resserre doucement pour mener à des entrées vers les souks.
Une déception possible si on la découvre dans la journée : ce n’est pas si animé que ça, on a l’impression de préparatifs, de la répétition alanguie d’un spectacle incertain. Mais le théâtre prend tout son sens quand tous les acteurs sont là, à la tombée de la nuit, puis dans la nuit.
Les acteurs : la lumière, le bruit, la fumée des popotes, la foule des marrakchis, et vous. Tâchez de faire bonne figure, on ne vous laissera pas longtemps dans votre peau de spectateur. Tout le monde vous interpelle sans ménagements, alors comportez vous comme il faut, soyez une personne égale parmi ses égales, laissez vous aller aux innombrables spectacles qui se déroulent sous vos yeux, les roulements de tambours vous appellent de l’autre coté de la place, déjà dans l’obscurité. Les volutes de fumée tourbillonnent à contre jour dans la lumière dorée et trouble, déclinante. Vous êtes, vous demeurez un touriste, mais vous êtes bien plus que cela, chacun vous invite à partager la magie de cet instant, de cette place immense parcourue de frissons, d’attroupements, de rencontres.
Il faut toujours aller voir plus loin, ailleurs.
Des conteurs agglutinent des hommes fascinés. On comprend qu’il s’agit tantôt de farces paysannes, tantôt de drames immémoriaux.
Une jeune femme européenne danse avec un long ruban, sur la musique hypnotique d’un sommaire orchestre berbère.
Des vendeurs immobiles devant les étals d’une lointaine et puissante Afrique.
Des passants vous sourient, vous interpellent. Maintenant vous êtes bien, vous êtes comme chez vous, mais attention, il ne s’agit pas de se laisser à une quelconque rêverie.
Il s’agit au contraire d’être extraordinairement attentif.
De saisir à l’instant l’instant présent.
Le moment propice, puis le moment propice.
À la claire lumière
du couchant, qui projette ses couleurs franches et ses contours nets…
Je préfère le
trouble et la magie du contrejour…
Puis viennent les
lumières de la nuit, et, toujours, les frères humains…